mardi 1 juillet 2014

Menaces sur les retraites des cadres ?

(Source Les Echos)


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Si rien n'est fait, en 2019 les retraites complémentaires des cadres baisseront de 11 %.

L'avenir des retraites complémentaires des salariés du privé s'annonçait sombre. Les nouvelles projections financières présentées vendredi pour le régime Arrco, qui couvre tous les salariés du privé, et celui de l'Agirc, qui le chapeaute pour les cadres, ne l'ont pas éclairci. Elles ont même avancé de quelques mois les échéances fatidiques.
Selon une source syndicale, si aucune mesure n'est prise, le scénario médian présenté aux partenaires sociaux prévoit que les déficits successifs de l'Agirc auront épuisé ses réserves - 9 milliards d'euros à fin 2013 - en 2018. Quant à l'Arrco, ses 55,4 milliards de réserve auront fondu en 2027. C'est ce scénario que les partenaires sociaux ont décidé de prendre en référence pour leurs discussions à venir. Il se fonde sur un taux de chômage revenu à 7 % en 2030, et non en 2035 comme le scénario le plus noir, alors que le scénario « rose », présenté aussi vendredi, supposerait un taux de chômage ramené à 4 % en 2035.

 « Le gel ne suffit pas »

Syndicats et patronat, gestionnaires de l'Arrco et de l'Agirc, avaient conclu un accord en mars 2013 pour rétablir l'équilibre des régimes, en limitant la revalorisation des pensions jusqu'en 2015. « Mais on voit que le gel ne suffit pas », note Jean-Louis Deroussen (CFTC).
La situation la plus critique est celle de l'Agirc. Le régime est, comme celui de l'Arrco, un régime par répartition, où les cotisations d'aujourd'hui paient les retraites d'aujourd'hui. Si rien ne change, les pensions complémentaires versées aux cadres baisseront de 11 % en 2019 et jusqu'à 14 % sur trois ou quatre ans, affirme-t-on de source syndicale. A noter qu'en cas de fusion entre les deux régimes, la consommation de leurs réserves cumulées aurait lieu en 2025, toujours dans le scénario médian. Ce qui retarderait de sept ans la menace de la baisse des pensions pour les cadres.
Les partenaires sociaux ont constitué un groupe de travail pour que chacun teste toutes les mesures qu'il souhaite avant une première séance de négociations le 28 novembre. Le patronat a planté le décor dès vendredi en affirmant qu'il faut jouer sur les mesures d'âge.
Les discussions vont durer plusieurs mois. La revalorisation des retraites complémentaires est arrêtée jusqu'en avril 2015. « Le rendez-vous politique majeur aura lieu en juin 2015 », analyse Philippe Pilhet, de Force ouvrière. Et il prévient : les régimes de retraite complémentaire sont « comme des gros navires, on ne change pas de cap à 90° en 800 mètres ».
LEÏLA DE COMARMOND / Les Echos
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Retraites : alerte rouge


Alors que la France tente d'obtenir un assouplissement du pacte de stabilité européen, voilà des données qui viennent opportunément rappeler la nécessité absolue de réduire les déficits. Les régimes de retraite complémentaires des salariés du privé sont dans le rouge, et leurs déficits s'accroissent rapidement en dépit des réformes engagées. Au point que les réserves du régime des cadres (Agirc) seront épuisées dès 2018 si rien n'est fait. Ces données sont d'autant plus significatives que les partenaires sociaux gestionnaires de l'Arrco-Agirc avaient su accumuler des réserves importantes, quand le régime de base (CNAV) prenait déjà l'eau. La différence fondamentale, en effet, est que les dettes accumulées par le régime de base sont transférées à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) : les dépenses de retraite d'aujourd'hui sont assumées en partie par les générations futures. Alors que les régimes complémentaires n'ont pas cette facilité et doivent prendre des mesures pour rééquilibrer les comptes, comme ils le firent dans les années 1990. Syndicats et patronat n'auront donc d'autre choix que de se remettre autour de la table, à la rentrée, pour trouver des solutions : poursuite de la désindexation des pensions, pénalités en cas de départ avant 65 ans, etc. Mais leur marge de manœuvre sera limitée si l'Etat ne durcit pas lui-même les règles. Car force est de constater que ni le passage de l'âge légal de départ de 60 à 62 ans ni le relèvement de la durée de cotisation ne suffiront à équilibrer les régimes à l'horizon 2020. Il faut espérer que les partenaires sociaux continueront de se montrer responsables, en refusant de transférer des dettes aux générations futures. L'envolée de la dette de l'Unédic, également gérée de manière paritaire, est néanmoins un signal inquiétant.

ETIENNE LEFEBVRE / RÉDACTEUR EN CHEF "INTERNATIONAL, POLITIQUE ET ECONOMIE GÉNÉRALE" |