(Source Les Echos)
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Si rien n'est fait, en 2019 les
retraites complémentaires des cadres baisseront de 11 %.
L'avenir des retraites complémentaires des salariés du privé
s'annonçait sombre. Les nouvelles projections financières présentées vendredi
pour le régime Arrco, qui couvre tous les salariés du privé, et celui de
l'Agirc, qui le chapeaute pour les cadres, ne l'ont pas éclairci. Elles ont
même avancé de quelques mois les échéances fatidiques.
Selon une source syndicale, si aucune mesure n'est prise, le
scénario médian présenté aux partenaires sociaux prévoit que les déficits
successifs de l'Agirc auront épuisé ses réserves - 9 milliards
d'euros à fin 2013 - en 2018. Quant à l'Arrco, ses 55,4 milliards de
réserve auront fondu en 2027. C'est ce scénario que les partenaires sociaux ont
décidé de prendre en référence pour leurs discussions à venir. Il se fonde sur
un taux de chômage revenu à 7 % en 2030, et non en 2035 comme le scénario
le plus noir, alors que le scénario « rose », présenté aussi
vendredi, supposerait un taux de chômage ramené à 4 % en 2035.
« Le gel ne
suffit pas »
Syndicats et patronat, gestionnaires de l'Arrco et de l'Agirc,
avaient conclu un accord en mars 2013 pour rétablir l'équilibre des
régimes, en limitant la revalorisation des pensions jusqu'en 2015. « Mais on voit que le gel ne
suffit pas », note Jean-Louis Deroussen (CFTC).
La situation la plus critique est celle de l'Agirc. Le régime est,
comme celui de l'Arrco, un régime par répartition, où les cotisations
d'aujourd'hui paient les retraites d'aujourd'hui. Si rien ne change, les
pensions complémentaires versées aux cadres baisseront de 11 % en 2019 et
jusqu'à 14 % sur trois ou quatre ans, affirme-t-on de source syndicale. A noter qu'en cas de
fusion entre les deux régimes, la consommation de leurs réserves cumulées
aurait lieu en 2025, toujours dans le scénario médian. Ce qui retarderait de
sept ans la menace de la baisse des pensions pour les cadres.
Les partenaires sociaux ont constitué un groupe de travail pour
que chacun teste toutes les mesures qu'il souhaite avant une première
séance de négociations le 28 novembre. Le patronat a planté le décor dès
vendredi en affirmant qu'il faut jouer sur les mesures d'âge.
Les discussions vont durer plusieurs mois. La revalorisation des
retraites complémentaires est arrêtée jusqu'en avril 2015. « Le rendez-vous politique
majeur aura lieu en juin 2015 », analyse Philippe Pilhet,
de Force ouvrière. Et il prévient : les régimes de retraite complémentaire
sont « comme des
gros navires, on ne change pas de cap à 90° en 800 mètres ».
LEÏLA DE COMARMOND / Les
Echos
Retraites : alerte rouge
Alors que la France tente
d'obtenir un assouplissement du pacte de stabilité européen, voilà des données
qui viennent opportunément rappeler la nécessité absolue de réduire les
déficits. Les régimes de retraite complémentaires des salariés du privé sont dans
le rouge, et leurs déficits s'accroissent rapidement en dépit des réformes
engagées. Au point que les réserves du régime des cadres (Agirc) seront
épuisées dès 2018 si rien n'est fait. Ces données sont d'autant plus
significatives que les partenaires sociaux gestionnaires de l'Arrco-Agirc
avaient su accumuler des réserves importantes, quand le régime de base (CNAV)
prenait déjà l'eau. La différence fondamentale, en effet, est que les dettes
accumulées par le régime de base sont transférées à la Caisse d'amortissement
de la dette sociale (Cades) : les dépenses de retraite d'aujourd'hui sont
assumées en partie par les générations futures. Alors que les régimes
complémentaires n'ont pas cette facilité et doivent prendre des mesures pour
rééquilibrer les comptes, comme ils le firent dans les années 1990. Syndicats
et patronat n'auront donc d'autre choix que de se remettre autour de la table,
à la rentrée, pour trouver des solutions : poursuite de la désindexation
des pensions, pénalités en cas de départ avant 65 ans, etc. Mais leur
marge de manœuvre sera limitée si l'Etat ne durcit pas lui-même les règles.
Car force est de constater que ni le passage de l'âge légal de départ de 60 à
62 ans ni le relèvement de la durée de cotisation ne suffiront à équilibrer les
régimes à l'horizon 2020. Il faut espérer que les partenaires sociaux
continueront de se montrer responsables, en refusant de transférer des dettes
aux générations futures. L'envolée de la dette de l'Unédic, également gérée de
manière paritaire, est néanmoins un signal inquiétant.