Consigner
les éléments de la vie professionnelle
Mettre en place et gérer le dossier du salarié
L’employeur
peut créer un dossier professionnel pour chaque salarié et y inclure divers
documents et informations. Mais il doit respecter des règles et organiser le
droit d’accès des salariés à leurs données personnelles.
Cibler le contenu du
dossier
Mise en place. - Si le dossier du personnel
n’est pas obligatoire, il s’impose de lui-même. Il contient les informations
nécessaires à l’employeur pour remplir ses obligations (ex. : inscription
sur les listes d’électeurs, envoi du bulletin de paie si nécessaire,
convocation à un entretien préalable) et gérer la vie professionnelle du
salarié.
L’employeur doit toutefois respecter la vie
privée du salarié dans l’entreprise (cass. soc. 2 octobre 2001, n° 99-42942, BC V n° 291).
Le dossier professionnel, sur support papier ou informatique, ne peut contenir
que des données à caractère personnel adéquates et pertinentes au regard de la
gestion administrative des salariés (loi 78-17 du 6 janvier 1978, art. 6). Ainsi, des
commentaires excessifs et inappropriés ne peuvent en aucun cas y figurer.
Exemple : Une entreprise a été sanctionnée par la CNIL car des
commentaires sur le personnel comme « est un crétin », « il
pue » apparaissaient dans ses fichiers (délib. CNIL 2010-113 du 22 avril 2010).
Renseignements personnels. - Le dossier peut contenir les
nom, prénoms, date et lieu de naissance du salarié, ainsi que ses coordonnées
et son numéro de sécurité sociale. La présence de la copie du titre valant
autorisation de travail est possible, mais pas des indications concernant les
origines raciales ou éthniques. De même, la date d’entrée en France, la
date de naturalisation, les modalités d’acquisition de la nationalité
française, l’adresse précédente, l’entourage familial, les conditions de
logement, les opinions politiques, l’appartenance syndicale, la vie sexuelle et
les condamnations pénales ne doivent pas être mentionnés dans le dossier (c.
trav. art. L. 1221-6 ; loi 78-17du
6 janvier 1978, art. 8 et 9).
Déroulement de carrière. - Le dossier de candidature
(lettre de motivation, CV, etc.), la date et les conditions d’embauche, la
rémunération et les modifications qui y sont apportées sont dans le dossier du
salarié. Il peut aussi contenir :
- le résultat des tests et évaluations pratiqués
lors du recrutement ;
- le contrat de travail et ses avenants
ultérieurs ;
- les formations professionnelles effectuées et
celles souhaitées ;
- les données relatives aux entretiens annuels.
Arrêts de travail et congés. - Les documents relatifs aux absences et
congés sont aussi consignés (ex. : déclaration d’accident du travail,
arrêts de travail et prolongations, visites médicales, échanges de courriers
avec le salarié et les différents organismes).
L’employeur ne peut pas, en revanche, inscrire
d’informations relatives à l’état de santé du salarié (loi 78-17 du
6 janvier 1978, art. 8).
Dossier disciplinaire. - Le dossier disciplinaire fait
partie du dossier professionnel. Il consigne les avertissements et les
sanctions infligés au salarié. En revanche, les mesures sans incidence
immédiate ou différée sur la présence dans l’entreprise, la fonction ou la
rémunération ne doivent pas y figurer (ex. : réprimandes orales, blâmes
écrits sans inscription au dossier).
Par ailleurs, aucune sanction antérieure de plus
de 3 ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être
invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction (c. trav. art. L 1332-5). L’employeur
doit vérifier régulièrement que les éléments du dossier disciplinaire ne sont
pas amnistiés, prescrits ou que la convention collective n’impose pas de les
détruire après un certain délai.
Exemple : Un employeur a pu être condamné à verser des
dommages-intérêts à une salariée licenciée pour faute grave, dont la lettre de
licenciement reprochait des faits passés de 3 ans, alors que la convention
collective imposait l’annulation et la destruction de toute sanction antérieure
à 2 ans (cass. soc. 4 décembre 2013, n° 12-23930 FPB).
Donner accès au dossier
Accès possible. - L’employeur informe le salarié
sur l’identité de la personne qui gère son dossier professionnel, et de son
droit d’accès et de rectification (loi 78-17 du 6 janvier 1978, art. 32). De
manière générale, l’employeur est tenu par les différentes obligations prévues
par la loi Informatique et libertés en matière de traitement de données
personnelles (ex. : obligation d’assurer leur confidentialité).
Le salarié peut demander à voir son dossier
professionnel à tout moment, sans motiver cette demande, que le dossier soit
conservé sur support informatique ou papier. Le droit d’accès peut s’exercer
sur place ou par écrit, avec un justificatif d’identité. Le salarié a un droit
de regard sur les documents qui concernent notamment (loi 78-17 du
6 janvier 1978, art. 39 ; Guide CNIL pour les employeurs et les
salariés 2010) :
- son recrutement (ex. : informations collectées
éventuellement auprès de tiers) ;
- son historique de carrière ;
- sa rémunération ;
- l’évaluation de ses compétences professionnelles
(ex. : entretiens annuels d’évaluation) ;
- son dossier disciplinaire.
Il dispose également d’un droit de copie, mais
l’employeur peut demander le paiement des frais de reproduction. Ce dernier
doit répondre immédiatement pour une demande effectuée sur place, ou dans un
délai maximal de 2 mois pour une demande écrite (ou s’il est impossible de
répondre immédiatement à la demande sur place).
Droit d’opposition et de rectification. - Le salarié peut demander la
correction des inexactitudes dans son dossier(loi 78-17
du 6 janvier 1978, art. 40). Il peut aussi, s’il a un motif
légitime, s’opposer à ce que des données personnelles soient inscrites dans son
dossier, mais seulement pour celles dont le traitement ne répond pas à une
obligation légale pour l’employeur (loi 78-17 du 6 janvier 1978, art. 38).
Limites. - L’employeur peut refuser l’accès si
les données concernent également la situation personnelle d’un tiers (ex. :
tableau comparatif des évolutions de carrière). Le salarié ne peut pas non plus
avoir accès aux informations prévisionnelles de carrière (ex. :
informations permettant d’estimer une future évolution de carrière). Cependant,
il pourra accéder à ces documents s’ils ont été pris en compte pour décider
d’un changement d’affectation ou d’une augmentation de salaire par exemple.
L’employeur peut enfin rejeter toute demande manifestement abusive (ex. :
demande de communication systématique ou trop répétitive) (Guide CNIL
pour les employeurs et les salariés 2010).
L’employeur informe le salarié de son refus
motivé par écrit et mentionne les voies et délais de recours. S’il refuse sans
motif, il peut être condamné pour comportement discriminatoire (cass. soc. 23
octobre 2001, n° 99-44215 D), ou être mis en demeure par la CNIL (délib. CNIL
2012-213 du 22 juin 2012). ✖