Dans le bâtiment devenu
trop grand, après le PSE, après tous ces départs : il y a des bureaux
vides. L’immeuble effilé, tout de verre et d’acier ressemble maintenant un
navire sinistré dans certaines zones.
Vides mais pas vidés, ces
bureaux.
En parcourant ces pans
entiers d’étages où il n’y a plus personne, plus de bruit, plus de vie, vous
serez étreints par une mélancolie poisseuse. Un puissant mélange de regrets et
d’un constat froid : oui, ces bureaux désertés suintent la tristesse et
l’amertume. Des bribes d’humanité y sont encore visibles.
Certains ont nettoyé leur poste de travail,
d’autres ont semble-t-il, tout juste éteint leur ordinateur et sont partis,
certainement le cœur lourd. Des posters sont encore au mur, des photos
jaunissent dans des cadres. Une carte postale cornée rappelle des amitiés, des
liens. Quelques stylos dépareillés, de boîtes de thé, des livres ou des
agrafeuses évoquent encore le quotidien de gens qui ont vécu des heures pleines
d’efforts, de rires et de complicités. On dirait dans certains endroits que les
gens vont revenir bientôt, et dans d’autres qu’il y a eu une étrange épidémie
qu’une fuite précipitée fut leur seul salut.
Là était assis un type
formidable, il est dans quel labo maintenant ? Avec G. et K., tiens donc.
Ils embauchent chez A. ? Et ici … oui tu te rappelles de cette assistante
pleine de vie, et de sa grande copine C. ? Que font-elles à ce jour ?
Je ne sais pas. Et lui ? En retraite anticipée. Quelle chance. Moi j’ai
encore 12 ans à tenir et deux enfants qui font des études. Serre les dents, mon
ami. Et elle ? Elle a complètement changé de métier ! C’est dur, mais
elle s’accroche. En revanche B. tu sais, il n’a rien retrouvé…
Des alignements d’armoires
qui grincent un peu, mais pleines à ras bord recèlent des pans entiers de la
mémoire d’épopées, de lancements et de défis relevés. Des centaines de kilos de papiers, de
classeurs qui furent si importants il y a encore quelques mois attendent d’être
broyés en se couvrant doucement de poussière. Là, une pile de clefs USB menace
de s’écrouler, ici des blocs et des stylos d’une marque désormais dans l’oubli.
Qui, dans très peu de temps, se rappellera encore de la saga Plavix ou des
succès d’Abilify ?
Dans le bâtiment
désormais devenus trop grand, il y a des bureaux vides. Beaucoup de bureaux
vides.
Mieux vaut éviter de passer par
là.