vendredi 8 novembre 2013

Les bureaux vides


Dans le bâtiment devenu trop grand, après le PSE, après tous ces départs : il y a des bureaux vides. L’immeuble effilé, tout de verre et d’acier ressemble maintenant un navire sinistré dans certaines zones.  

Vides mais pas vidés, ces bureaux.

En parcourant ces pans entiers d’étages où il n’y a plus personne, plus de bruit, plus de vie, vous serez étreints par une mélancolie poisseuse. Un puissant mélange de regrets et d’un constat froid : oui, ces bureaux désertés suintent la tristesse et l’amertume. Des bribes d’humanité y sont encore visibles.

Certains ont nettoyé leur poste de travail, d’autres ont semble-t-il, tout juste éteint leur ordinateur et sont partis, certainement le cœur lourd. Des posters sont encore au mur, des photos jaunissent dans des cadres. Une carte postale cornée rappelle des amitiés, des liens. Quelques stylos dépareillés, de boîtes de thé, des livres ou des agrafeuses évoquent encore le quotidien de gens qui ont vécu des heures pleines d’efforts, de rires et de complicités. On dirait dans certains endroits que les gens vont revenir bientôt, et dans d’autres qu’il y a eu une étrange épidémie qu’une fuite précipitée fut leur seul salut.

Là était assis un type formidable, il est dans quel labo maintenant ? Avec G. et K., tiens donc. Ils embauchent chez A. ? Et ici … oui tu te rappelles de cette assistante pleine de vie, et de sa grande copine C. ? Que font-elles à ce jour ? Je ne sais pas. Et lui ? En retraite anticipée. Quelle chance. Moi j’ai encore 12 ans à tenir et deux enfants qui font des études. Serre les dents, mon ami. Et elle ? Elle a complètement changé de métier ! C’est dur, mais elle s’accroche. En revanche B. tu sais, il n’a rien retrouvé…

Des alignements d’armoires qui grincent un peu, mais pleines à ras bord recèlent des pans entiers de la mémoire d’épopées, de lancements et de défis relevés.  Des centaines de kilos de papiers, de classeurs qui furent si importants il y a encore quelques mois attendent d’être broyés en se couvrant doucement de poussière. Là, une pile de clefs USB menace de s’écrouler, ici des blocs et des stylos d’une marque désormais dans l’oubli. Qui, dans très peu de temps, se rappellera encore de la saga Plavix ou des succès d’Abilify ?

Dans le bâtiment désormais devenus trop grand, il y a des bureaux vides. Beaucoup de bureaux vides.  
Mieux vaut éviter de passer par là.